Les travailleuses de la santé

De 08h00 à 15h00 le mardi 29 octobre, Fatima, Nathalie et Jacques se sont entretenus et sont allés visiter sur leurs lieux de travail, HABDEL HADI ABU KHUSSA, le responsable des « comités palestiniens d’entraide médicale » (P.M.R.C.) de la bande de Gaza et les travailleuses de la santé des centres de Jabaliya, de Bédouin Village et de Beit Hanoun.

Comme chaque année depuis 1991 cette journée est l'occasion de se voir en chair et en os, d'échanger, de voir sur place la réalité quotidienne à laquelle  ces femmes sont confrontées, de prendre des nouvelles de leurs familles, bref d'entretenir une amitié.

ABDEL HADI a ouvert la journée en nous faisant un petit descriptif de la situation :  « Nous faisons face à une nouvelle agression comme nous n’en avions jamais connu par le passé. La ville de Gaza est complètement coupée du sud de la bande de Gaza. Il ne nous sera d’ailleurs pas possible d’aller rendre visite au Centre de Khan Younis . La ville d’Hébron est dans la même situation que la ville de Gaza, par rapport à la Cisjordanie.  Quant à la Cisjordanie, voilà 2 ans que je n’ai pu rencontrer mes collègues du P.M.R.C.

Ceci a bien entendu des incidences pratiques sur notre organisation à tous les niveaux.

Depuis le début de la 2ème intifada en octobre 2000, nous nous sommes installés dans l’urgence. On se prépare à être confronté à une situation toujours pire. Par exemple le fait de ne pouvoir se déplacer qu’avec toujours plus de contraintes nous oblige à implanter des « unités de soins mobiles » en les démultipliant au maximum afin que les gens des hameaux les plus reculés puissent en bénéficier. C’est là notre priorité : que tous les gens, aussi éloignés puissent-ils être, aient accès aux soins d’urgence. Nous avons délimité 45 zones n’ayant aucune infrastructure médicale. Le Croissant rouge et la Croix rouge  en sont absents. Nous assurons ce dispositif sur les fonds propres du PMRC car les gens n’ont pas d’argent. Les travailleuses de la santé y jouent un rôle de tout premier plan : elles-mêmes formées à cela, elles dispensent des cours de secourisme et de 1ers soins aux gens de ces hameaux les plus isolés. Des conseils pratiques sont donnés : comment se comporter en cas d’attaque ou d’invasion ?  En cas d’immobilisation des ambulances comment rejoindre l’un des 25 « points urgence » avec des voitures particulières, l’utilisation des téléphones cellulaires par recharge solaire en cas de coupure d’électricité. Déjà les travailleuses de la santé ont assuré 120 formations et 3 .000 secouristes sont opérationnels, jusque dans les plus petits hameaux. Nous bénéficions d’appuis sérieux en matériel et en argent : l’Allemagne vient de nous livrer une unité mobile pour les soins d’urgence. La Grèce nous envoie des médicaments.  L’argent que nous recevons de différents pays nous permet d’acheter sur place ce dont nous avons besoin.

 Visite du Centre de Location de matériel (Gaza)

            C'est le deuxième après Ramallah. Naima Abu Maghaseeb en est responsable. Il est ouvert depuis 2 ans. Il y a un grand besoin de matériel (béquilles, fauteuils roulants, etc.…) mais c'est trop cher. Alors ici il peut être loué pour 3 ou 4 mois. Le tarif est 10 € par mois, pou ceux qui peuvent payer, plus une caution qui correspond à la moitié du prix du matériel. Pour les victimes de la seconde Intifada, c'est gratuit, mais tout le monde y a accès. Quelle que soit la raison de leur problème, les patients sont pris en charge. En plus de la location, l'UPMRC assure la formation et le suivi des patients qui louent le matériel. Cela évite la détérioration du matériel.

« Notre seul objectif est de répondre aux besoins des gens. Toute notre activité est concentrée là dessus. Sans arrêt ils nous font de nouvelles propositions pour constituer de nouvelles unités de santé dans leurs hameaux & Nous recevons bien des tentes pour faire face aux destructions et aux expulsions, mais il est difficile de trouver un endroit pour les planter..

Entretien avec les Travailleuses de la santé :

Visite du Centre de Jabalya où nous rencontrons Saada, Tissir, et Anna (jeune diplômée  qui travaille comme volontaire)

Intervention à Raffah après une destruction de maisons. Le lendemain ils sont intervenus avec tout le matériel nécessaire. La plupart des enfants ont des problèmes pulmonaires (bronchites). Le chauffeur Walid s'est secouru lui-même après avoir été blessé par des tirs au volant de son ambulance près d'Erez. Pendant une période ils ont été les seuls à secourir les gens (même en Cisjordanie). Pas même le croissant rouge, ni même le ministère de la santé. Le travail quotidien des travailleuses de la santé : recevoir les gens, service de consultation pédiatrique, gynécologique, médecine générale, dentiste. Prévention scolaire (visites médicales dans les écoles). Ils essayent de détecter le plutôt possible les maladies chroniques : l'anémie, l'asthme, les allergies. Elles enregistrent ces observations dans le livret de santé. Quand le médecin vient, il est prévenu. L'anémie est un problème très grave dont la plupart des enfants est atteinte, mais cela s'aggrave chez les jeunes filles à la puberté. Les vaccinations sont assurées par le ministère de la santé.

Dans ce centre, nous visitons également le centre d'analyses médicales.

Visite du Nouveau Centre de Bedwin Village (Beit Lahya)

Où nous rencontrons Samira et Sirin, et également 2 volontaires et une infirmière. Bedwin village est situé en tenailles entre des colonies-zones militaires en train de s'étendre à la limite Nord de la bande de Gaza. Toutes les routes pour atteindre Bedwin village ont été détruites et il faut emprunter la route défoncée dont l'issue vers Beit Hanoun est bloquée par des blocs de béton. Il faut prendre un autre chemin défoncé pour sortir. C'est vraiment le bout du monde. Le centre de l'UPMRC a été construit en 2001 grâce à un financement de "Save the children"

La semaine précédente, le centre a été envahi par les soldats, ils ont fouillé partout, mais par chance n'ont rien cassé. Avant l'UPMRC venait  une ou deux fois par semaine avec une clinique mobile. Grâce à la construction du centre, ils peuvent avoir une présence constante. C'est plus facile car c'est une zone très exposée où les gens ont du mal à se déplacer. De plus cette présence constante retarde peut-être un peu la destruction totale du village qui comprend 5000 à 6000 personnes dont personne ne s'occupe (à part les ONG comme PMRC et PARC).  Dans ce centre, il y a des consultations de médecine générale tous les jours. Une sage femme et un médecin viennent faire des consultations pour les femmes enceintes. Ils disposent de matériel mobile d'échographie. 40% des accouchements ont lieu à la maison, surtout la nuit car les gens ont peur des tirs et ne peuvent pas sortir. Le lendemain, l'UPMRC va leur rendre visite pour voir si le bébé va bien. Quand l'enfant naît, c'est la belle-mère (la mère du père) qui prend l'enfant en premier. Dans le cas des naissances à la maison, aucune mortalité. Avant l'Intifada, la mortalité enfantine était en Palestine la plus faible des pays environnants. Aujourd'hui c'est difficile de faire des statistiques car le bureau a été détruit. Environ 70% des enfants entre 0 et 12 ans sont anémiés. Le résultat du chômage est une augmentation du taux de natalité.

Visite du Centre de Beit Hanoun

Où nous rencontrons Wadda, Waffa et Nabyla. Une séance de formation par une femme médecin est en cours, elle porte sur les maladies urinaires féminines.

Ici les travailleuses de la santé nous parlent des difficultés économiques et les problèmes infantiles car les gens amènent les enfants au dernier moment car ils ne peuvent pas payer (même avec des tarifs très bas). L'anémie est due au fait que les gens n'ont pas assez d'argent pour acheter de la nourriture équilibrée. Les médicaments ne suffisent pas. Ici, ils distribuent des vivres mais ça ne suffit pas, car ce ne sont pas les produits adaptés contre l'anémie. Le revenu annuel est ici de 700$ alors qu'il est de 20 000$ en Israël et que les prix sont les mêmes car tous les produits sont importés d'Israël. Ici les gens sont en dessous du seuil de pauvreté. Comme les gens ne peuvent plus payer cash, ils ne peuvent plus aller au marché pour acheter des produits frais (même très peu chers). Ils préfèrent aller au supermarché où on leur fait crédit.

Nous avons convenu de poursuivre notre participation financière au coût de la formation continue de nos amies T.S.  De leur côté elles se sont engagées à nous faire un petit rapport sur leurs activités. Conscientes de la nécessité pour elles de « rester à jour » en permanence s’adresseront aux lecteurs de Palestine 33 pour leur faire valoir l’utilité des sommes qu’ils versent pour cette activité de solidarité.

Nous avons également convenu que l’une d’entre elles viendrait en France en Avril Mai pour nous faire partager en direct tout ce qu’elle-même et ses collègues vivent au quotidien.

Discussion avec le docteur Abu Khussa et Walid

            Les Palestiniens soufrent de la vision des sionistes impérialistes colonialistes. Plus les Palestiniens donnent, plus il faut donner. Avant toute la terre de Palestine était palestinienne, même les juifs étaient palestiniens.

A.Khussa était un des négociateurs à Madrid. A un stade, ils ont cru que les Israéliens voulaient faire des concessions, mais ils ont réalisé que ce n'était pas vrai, que les Israéliens étaient actuellement en train de finaliser leur politique colonialiste. Aujourd'hui ils ont très peur que les Palestiniens soient déportés ou massacrés après l'attaque de l'Irak.

Lors des négociations de Madrid, ils se sont retirés à la huitième session au moment où les Israéliens ont déporté 400 palestiniens. Ils travaillent avec Mustafa Barghouti : Initiative Nationale pour la Démocratie avec Abdel Shafi comme chaiman. Mustafa est le secrétaire.

Pour AKhussa, Marwan Barghouti doit être soutenu parce qu'il est en prison. C'est un homme d'ouverture qui a toujours voulu discuter avec les Israéliens. Les Israéliens veulent que le fondamentalisme augmente en Palestine, contre la démocratie. Ils font tout pour.

Plus personne dans le peuple ne soutient l'Autorité Palestinienne. Les partis religieux ont beaucoup d'argent alors ils peuvent faire des choses pour les gens. L'autorité de l'AP venait de l'argent alors comme tout l'argent passait dans ses mains. Avant la deuxième Intifada, plus personne ne pouvait voir Arafat, mais maintenant ça a changé car c'est un homme isolé comme le sont les Palestiniens. D'après AKhussa, Arafat serait réélu s’il y avait des élections.

Pour AKhussa, le problème n'est pas les élections mais l'occupation. Ils ne peuvent pas combattre l'occupation s’ils ne sont pas unis. Les élections sont nécessaires mais il faut de bonnes conditions pour qu'elles soient démocratiques. Actuellement ces conditions ne sont pas là. L'Europe ne considère pas l'occupation.

"Nous ne sommes pas contre les juifs, nous voulons vivre avec eux". AKhussa pense qu'il n'y aura jamais d'état palestinien indépendant. Aussi il souhaite un état binational où tout le monde vit en bonne entente. Si les Israéliens étaient démocrates, ils accepteraient de vivre avec les Palestiniens.