Mercredi
7 :
Manif ou il faut faire des km pour s’y rendre, d’autant plus que la manif est interdite, mais les palestiniens souhaitent braver l’enfermement . Nous passons un check point, les militaires nous demandent ou nous allons, réponse : à la manifestation qu’organise les paysans palestiniens contre l’enfermement, les militaires répondent qu’ils vont les terroriser pour leur couper l’envie d’y participer. Effectivement certains prennent leurs jeeps et tirent en l’air.
Lorsque nous sommes à une distance suffisante et que les palestiniens reconnaissent les internationaux, nous voyons des gens sortir de leurs maisons avec des drapeaux, ils sont environs 250. Ils nous demandent de former une chaîne pour les protéger, et nous allons en manif. Les bombes lacrymaux pleuvent, la manif se disperse, nous la reformons malgré les bombes assourdissantes, les arrestations commencent, la tension s’installe et je vois une mitraillette sur la tempe d’un jeune de 15 ans, des internationaux négocient sa libération contre notre départ, ils refusent, ils nous terrorisent, ils essayent de casser la manif, arrêtent d’autres personnes, les bombes lacrymo se succèdent et nous empêchent de voir, nous essayons de nous reconstituer, un maire me demande de reconstituer la chaîne, nous nous retrouvons avec des femmes pour la faire, nous sommes en 1ère ligne, les militaires font de la provocation, en les insultant, les traitant de lâches, de se planquer derrière des femmes, quelques gestes obscènes sont faits pour les ridiculiser, quelques vieux baissent les yeux devant les insultes, vous n’avez pas de c…… » Je n’ai jamais vu autant de mépris de la part de l’armée, certains essayent de négocier l’arrêt de la provocation contre notre départ. Un élu nous demande de partir à reculons pour rentrer. Il explique qu’il considère que la manifestation est réussie, d’habitude lorsqu’ils essayent de faire une manif, l’armée les terrorisent tellement qu’ils détalent comme des lapins, Ils me racontent que la réussite est en partie à tous les internationaux présents, subitement malgré ce que nous vivons je me sens très fière d’être parmi eux. Ils nous demandent de nous dépêcher, il fait très chaud, nous avons du mal à rejoindre les autres, des Jeeps de Policiers nous entourent, nous sommes pourtant sur un trottoir, ils nous demandent nos papiers pendant que quelqu’un nous met en joue, je ne comprends pas, la manif est pourtant terminée nous sommes à 10 mètres du groupe le plus important. Ils nous confisquent nos passeports, nous jettent brutalement dans une jepp avec Anne-Cécile, avec interdiction de communiquer. Nous serons 5 français, 3 américains et un irlandais à être arrêter.
Midi 30 Ils nous emmènent au commissariat chaîne au
pied, un premier interrogatoire, apparemment ce n’est pas le même pour les
hommes et les femmes, il me demande mon nom, mon prénom, le nom de mon père,
il me demande si j’ai déjà fait une demande de nationalité israélienne ou
si je compte en faire une je ne comprends pas cette question, il posera la même
question à Anne-Cécile. On nous fait descendre à tour de rôle pour un deuxième
interrogatoire, là j’essaye de dialoguer, en leur disant que je fais partie
de la génération de Carpentras, mais apparemment j’aggrave mon cas, quand je
lui explique ce qui s’est passé, il me dit qu’il se souviendra que chez
nous en France on profane des cimetières, j’ai beau lui dire que je veux
rencontrer le mouvement de la paix,
rien n’y fait. Il râle parce que je ne veux rien signer.
Il me dit que je suis expulsée et que demain je
serais au champ Élysée à prendre mon café. Quel Con !..
Nous avons droit à un autre interrogatoire, à 20 H,
un monsieur du ministère de l’intérieur me demande, si je fais partie de ces
gens qui sont venues aider les petits israéliens,…… ma place est en Éthiopie
me dit-il, eux ont davantage besoin de notre soutien. Quel sera ma prochaine
mission ? Irais-je un jour en Afghanistan. Je ne réponds plus.
On nous emmène
avec des chaîne au pied à notre hôtel, très pratique pour faire les
valises ! ! ! Un des policiers remarque le tee-shirt de la
mission civile accroché au mur d’entrée de l’hôtel, il me demande si
c’est ici que l’on me l’a donné, ils ont les yeux partout. A minuit nous
retournons dans la salle ou s’est fait le 1er interrogatoire, ils
nous jettent 2 matelas, un pour Anne-cécile, un pour moi en nous demandant de
dormir, nous les supplions de nous enlever les chaînes au pied, rien à faire.
Jeudi 8
7 H du mat., on nous réveille. Je demande des nouvelles de mon mari, il m’attend à l’aéroport, ou il est censé me rejoindre, nous nous retrouvons dans un autre commissariat, je ne comprends toujours pas, on nous fait passer une visite médicale, une dame veut me faire une prise de sang, refus complet de Anne Cécile et moi, une gardienne nous prend nos valises et compte notre argent devant nous, elle nous donne un N° je prends réellement conscience que nous allons en prison que lorsqu’on nous enferme dans une cellule, tant de naïveté de ma part me surprend encore aujourd’hui. Nous demandons à une gardienne de nous autoriser à appeler notre consulat, elle me dit qu’elle m’a vu hier à la télé (j’apprendrais par les copains bordelais, qu’effectivement la manif était filmé et vu par El Djezira). Le Vice-consul vient nous voir le lendemain, pas une seule fois le directeur de la prison nous laissera communiquer seul à seul. Il semble nous juger très sévèrement, je lui fais par de mon inquiétude, mon mari, a une maladie très grave, c’est moi qui ai ses médicaments, il me traite d’inconsciente, s’en prend à nos organisations qui nous envoient dans des pays en guerre, sans nous avertir des dangers et des risques de prison, il nous remet une carte téléphonique pour l’appeler, elle nous sera volée, (chaque fois que nous devons téléphoner les gardiennes nous mettent quelqu’un qui si possible comprend le français), je me hasarde à lui demander ce que l’on nous reproche, le directeur de la prison me dit que nous sommes arrêtés pour obstruction à l’armée d’arrêter des terroristes et que nous sommes interdites de séjours pour 10 ou 7 ans. Le directeur de la prison m’accompagne pour aller chercher les médicaments, j’en profite pour lui remettre un bouquin de Jean Marie Harribey sur l’anti-capitalisme, il me le rejette dans la tronche en me disant que c’est un bouquin de propagande, il ne veut prendre que les médicaments. Nous devons rappeler le vice consul pour savoir s’il nous a trouvé des billets pour rentrer. Nous resterons en prison vendredi et samedi car c’est Shabbat. Peut-être dimanche ou lundi sortirons nous, je commence à craquer. Vers 22 H. des gardiens rentrent dans notre cellule, pour les vérifications d’usages, voir si les barreaux n’ont pas été sciés, il tape sur les carreaux. Ils nous ramènent les prisonnières d’en face, 2 sans papiers, il me regarde en me disant que je vais sortir, je n’en crois pas mes oreilles, hélas je m’aperçois qu’il se fout de ma gueule. Au secours je craque. Heureusement qu’il y a Anne-Cécile, j’en profite pour mettre en forme ce que j’ai vu moi de mes propres yeux, durant ces 2 jours à Naplouse. Cette ville morte, sans âme, les rues sont désertes, quelques internationaux et bien entendu les ambulances et les militaires, c’est le couvre feu, un silence pesant rompu par des bombardements. Ces familles séquestrées chez elles dans leurs propres maisons, ou des militaires possèdent leurs clefs. Ces maisons trouées, fléchés, cette mosquée que le copain de Manal m’a fait visiter moyennant un foulard sur la tête. Ça put l’urine et la merde. Tout y est saccagé, ce palestinien qui coupe l’arbre de son jardin, parce que les militaires le lui demande, cette famille de martyr chez qui l’on nous demande de dormir parce que leur maison est fléchée. Toute cette humiliation gratuite, ces rues seul hébreu et barrées, rayées en arabe. Ce trottoir dévasté sur Naplouse sous nos yeux, par pure provocation histoire de montrer que notre présence ne les dérangent nullement, ils sont les maîtres, ils ont des armes, les moyens, et le monde entier à leurs bottes. J’en reviens à penser que le monde entier politique sait, se tait, autorise cette occupation, c’est eux les véritables criminels et meurtriers, Sharon peut continuer avec la bénédiction des gouvernants, et une Europe timide, manque de pot nos gouvernements le font en notre nom.
Prison de RAMLAT :
Nous sommes avec des droits
communs (trafic de drogue et meurtre). Le deuxième jour de prison
restera gravé dans ma mémoire, cette juive marocaine m’interpelle elle est là
depuis 20 ans, pour trafic de coke, elle parle français, me montre le seul
journal que la prison autorise avec toute les photos de ces femmes, hommes et
enfants assassinés par des palestiniens lors d’actes kamikazes, elle les haïe,
la photo d’un couple qui venait juste de se marier et a péri dans un bus,
voilà ce que vous soutenez me dit-elle. Les juifs sont le peuple élu de dieu
me rappelle t’elle, il faut que je l’enregistre dans ma tête. D’après
elle, je soutiens les terroristes, nous sommes des Serfatis, des Chirac. L’une
d’elle me dit que nous sommes des terroristes nous les français, qu’elle
voie constamment à la télé les synagogues qui brûlent, impossible de
communiquer, il y a un tel travail de propagande. Une autre se hasarde à me
donner une chaise et me l’enlève des que je veux m’asseoir, cela les fait
rigoler.
Une autre m’offrira un paquet de cigarette de la
marque Noblesse, elle m’invite dans sa cellule, et commence à caresser mes
cuisses, et mes seins, je m’éclipse,
dorénavant lors de ces 3 heures de sortie nous les passerons dans notre
cellule. tout n’y est qu’intérêt…, (j’apprendrai par mon mari que les
cigarettes étaient données par la prison (c’étaient la même marque que
celle que l’on leur donnait à eux aussi). Une autre détenue veut ma robe et
mes godasses. Elle veut me les échanger, Niet. Vite, vite, que les portes
s’ouvrent que je dégage d’ici. J’admire le courage de Anne-Cécile, pas
un seul instant elle ne me donnera l’impression de craquer, je suis la plus
vieille et c’est elle qui me remonte le moral. J’ai l’impression d’être
une sale égoïste, au moins nous nous avons un vice consul qui va nous sortir
de là mais regarde toutes ces femmes sans papiers qu’adviendra-t-il d’elles ?
Vendredi 8 : Le temps passe lentement ici,
5jours = 5 mois, les quelques tentatives de sortie auxquelles nous avons droit
sont dans le couloir, nous n’avons pas le droit d’aller dans la cour.
Bouffer, dormir, et sieste, ce vendredi de shabbat, nous n’avons pas le droit
de sortir, seule les femmes juives resteront dans le couloir et dans la salle,
nous ne devons pas les déranger, elle pratique leur culte. Quant à nous, en
pleine chaleur nous moisissons dans notre cellule. Merci Shabbat…….. Je suis
lasse et dégouttée, tout y est arbitraire.
Dimanche 10 : 6 h du mat. Les lumières
s’allument, le haut-parleur nous demande de nous lever, un gardien rentre dans
notre cellule. Aujourd’hui nous devons être fixées sur notre sort. Je dois
rappeler le vice-consul pour savoir s’il nous a trouvé 2 places car je ne
veux pas partir sans mon mari. Pendant 10 fois il me demandera si j’ai du
pognon, et s’il vous plait du liquide, car il a l’habitude de travailler
avec cette agence, et il ne veut pas de chèque en bois,
il viendra récupérer l’argent et m’informer des suites.
Je retourne dans ma cellule, une des gardiennes vient me trouver, j’ai
de la visite, c’est l’avocate, qui nous demande si nous sommes bien traitées,
je lui apprends que Anne-Cécile doit partir aujourd’hui, que je suis en
attente du vice consul, elle me demande si je veux qu’elle s’occupe des
suites de notre dossier, je ne veux rien signer, sauf quand je reconnais la
signature de Philippe et des
autres. Le vice-consul a appelé ça y est ils nous ont trouvé 2 billets, il
doit venir récupérer mon pognon les choses se précipitent.
Nous
aurons aussi la visite de Jérôme, je lui
apprends que j’ai nos billets et que nous partirons ce soir. Jérome me
fait observer lors du parloir de remarquer que pour la détenue israélienne
bien blonde la grille reste ouverte pour pouvoir embrasser son mari, ils peuvent
se toucher, pour la femme palestinienne et son mari, la grille restera fermée,
elle ne peut même pas embrasser son enfant. Lorsqu’il demandera à rencontrer
Anne-Cécile, le gardien refusera.
A 15 H Le vice-consul vient récupérer mon pognon,
je suis expulsée et en plus je dois raquer, il peste contre notre organisation
qui ne nous a pas avertie des risques d’incarcération, La preuve me dit-il,
lui est ici à nous rendre visite, eux ne sont pas là. A lui de récupérer
nos emmerds. De plus il a reçu une délégation de notre groupe, et apparemment
cela c’est mal passé, il lui font perdre son temps, je lui demande s’il a
des nouvelles de mon mari et de nos copains français, il me dit qu’il y à
une forte tension entre eux, que la trousse de médicament lui a bien été
remise avec ses lunettes, j’apprendrais par la suite qu’ils ne lui ont remis que
les médicaments dans une poche plastique sans la trousse et les lunettes de vue
et différents accessoires.
Aujourd’hui j’ai la certitude que je vais enfin
sortir, le vice-consul m’a montré les billets, j’embrasse Anne Cécile qui
partira à 14 H. Quant à moi mon avion décolle à minuit.
Lorsque la gardienne me ramène dans ma cellule
j’en profite pour faire un peu de provoc après tout je ne risque plus rien
puisque j’ai vu le vice-consul donner mes billets au directeur de la prison,
je m’approche de la cour ou sont les détenues palestiniennes et je leur fais
le V de la Victoire, la gardienne appelle sa collègue pour avoir les clefs de
leur cellule, elle me jette sur
elles, elle sont voilées, moi en robe très courte, les chiennes retrouvent
les chiennes me dit-elle (subitement elle parle français). Ces femmes me
ramassent et m’embrassent. Ce sera le seul geste d’affection dont je me
souviendrais lors de cette incarcération.
Je quitte la prison
à 16 H30, où le fourgon cellulaire déposera tous les expulsés un par
un. A minuit notre avion nous attend et j’y retrouve mon amoureux.
J’en garde aujourd’hui encore un sentiments de
colère, de rage, et ce sentiment de mission inachevée, .faire en sorte que la
haine s’estompe pour ne me
rappeler que de ces cerfs volants dans le ciel lors des bombardements, pendant
que les chars rampent sur la terre, ces cerfs volants sont le symbole dans cet
espace qu’est le ciel de la liberté des enfants palestiniens…. .