Nathalie s'est rendue en Palestine début mai 2001, ce document se divise en trois parties
Palestine :
ça ne peut plus durer.
A l’initiative de l’association pour la Promotion du Jumelage entre
des villes françaises et des camps de réfugiés palestiniens (AJPF), une délégation
de 46 personnes, élus de différentes villes de France ou représentants de
comités de soutiens au peuple Palestinien, s’est rendue en Palestine du 11 au
16 mai dernier. Deux représentants girondins faisaient partie de cette délégation :
Sylvain Lacroix élu de St Pierre d’Aurillac, jumelé avec Al Qarara (village
de la bande de Gaza) et moi même, Nathalie Ollat, habitante de Malartic au nom
du Comité Palestine 33.
Partout le constat a été le même :
Partout nous avons vu un peuple misérable, humilié, désarmé, privé
de liberté depuis 53 ans, un peuple abandonné de tous et démoralisé par le
manque d’intérêt de la communauté internationale, un peuple jeune, d’un
niveau intellectuel particulièrement élevé parlant de démocratie et
d’esprit d’ouverture, un peuple résolu à mettre tout en œuvre pour faire
respecter sa dignité et pour un jour, vivre libre et heureux sur la terre de
ses ancêtres.
Nous avons vu des camps de réfugiés surpeuplés (jusqu’à 80000
habitants/km2), administrés par l’UNWRA depuis 53 ans, aux ruelles étroites,
avec un tout petit strict minimum d’infrastructures (écoles, dispensaires),
au réseau électrique défiant toutes les règles de sécurité, où le manque
d’eau est terrible (Jabalia : 1 h d’eau par jour et par famille de 10
à 12 personnes) et avec un taux de chômage atteignant 65% (surtout depuis le
bouclage de la Bande de Gaza en raison de la 2ème Intifada)
Nous avons été les témoins des destructions par les bombardements de
l’armée israélienne, non seulement des bâtiments de l’Autorité
palestinienne (Ramallah et Gaza), mais aussi des maisons des palestiniens, du
relogement des familles sous des tentes fournies par l’UNWRA (Aide des Nations
Unies pour les réfugiés de Guerre) sur les gravats même de leur maison détruite,
du nivelage des terres et de la destruction des infrastructures agricoles
(serres, vergers).
Nous avons subi les nombreux check points établis par l’armée israélienne pour contrôler les allées et venues des Palestiniens dans leur propre territoire, les embouteillages monstres engendrés par ces check points et les difficultés quotidiennes de circulation qui en découlent pour aller travailler, à l’école, en ville, au marché, à l’hôpital. ces points de contrôles obligent parfois à faire des détours de plusieurs km, alors que des routes de contournement relient les colonies entre elles. Ces points de contrôle sont d’autant de points de bouclage complet des territoires palestiniens au bon gré de l’armée israélienne.
Nous avons subi les bombardements dans la bande de Gaza (dimanche 13 mai)
et à Bethléem (mardi 15 mai) et nous avons ressenti l’angoisse et la peur
que ressentent chaque jour les enfants palestiniens.
A Bethléem, Beth Jalia, Azza, Aida, nous avons vu des façades de maisons et d’écoles criblées d’impact de balles, les réservoirs à eau situés sur les toits systématiquement endommagés par les tirs.
Nous avons observé l’extension des colonies israéliennes, véritables
forteresses perchées en haut des collines, juste en face, comme par défit, des
villes et des villages palestiniens. L’installation de certaines de ces près
de Bethléem) correspond à une véritable catastrophe écologique et à la
disparition à jamais de paysages millénaires.
Nous avons rencontré des palestiniens, déjà par deux fois déplacés
(en 1948, puis en 1967) et dont la maison venait d’être à nouveau détruite
(Raffah), nous avons vu des mères postées sur les gravats de leur maison ou
devant la tente (Khan Younis), nous interpellant sur le rôle des pays européens
et de la communauté internationale, nous avons vu des enfants, de si nombreux
enfants (D), à l’œil pétillant, à la conscience politique déjà développée
à l’âge où nos enfants ne pensent qu’à jouer.
Nous avons subi le blocage de l’Aide Humanitaire Internationale quand
un carton de médicaments et de biberons offert par le secours Populaire de
Champigny sur Marne a été bloqué par la douane israélienne à notre arrivée
à l’aéroport de Tel Aviv.
Nous avons rencontré des pacifistes israéliens également déprimés,
également empêchés d’apporter une aide humanitaire aux Palestiniens, qui
pensent que seule la Communauté Internationale peut faire changer les choses,
critiquant fortement la politique d’Ariel Sharon et la situation d’Apartheid
établie ce pays.
Pendant ces 5 jours, nous avons vu tout cela et nous avons été témoins
du sort des Palestiniens depuis 53 ans, de leur humiliation permanente et du non
respect des droits de l’Homme par Israël (comme le souligne le dernier
rapport d’Amnesty International). Nous avons rencontré des Palestiniens de la
société civile, des représentants de l’Autorité Palestinienne, des
Pacifistes israéliens. A chaque fois le message a été le même :
L’opinion publique internationale doit bien comprendre qu’une guerre concerne deux états égalitaires au niveau des moyens de défense. Israël et la Palestine ne sont pas en guerre. Il faut être conscient de l’inégalité des forces militaires en présence. Il n’y aura de paix dans cette région sans que la communauté internationale se mobilise pour réclamer le respect des Droits de l’Homme et le droit du Peuple Palestinien à vivre dignement en toute liberté dans cette si belle région du Monde.
Et
aussi des nouvelles de Ramallah...
Claude
ABU SAMRA est d’origine française, elle vit à Ramallah. Elle est secrétaire
au Consulat de France à Jérusalem-Est. Elle est mariée à Youssef ABU SAMRA,
palestinien, professeur à l’Université de Bir-Zeit, au nord de Ramallah.
Claude est une amie du Comité Palestine 33, et un maillon capital de la
solidarité entre Palestine 33 et le peuple Palestinien.
Ramallah
(le 12 mai 2001)
d’après
les interventions de Mr ABU FIRAZ responsable de l’Autorité Palestinienne à
Ramallah, et de Mr ABU LOUFTI, responsable du Fatah en Cisjordanie (notes prises
au cours du séjour de la délégation française en Palestine du 11 au 16 mai
2001).
Ramallah
est une ville "assez riche de 150 000 personnes. C'est une ville
universitaire, intellectuelle, avec de nombreux cinémas et théâtres. 106
villages sont rattachés à l'Autorité de Ramallah, soit 250 000 personnes au
total. Elle comprend deux camps de réfugiés « El Amari » et
« Kalandia ». Cette ville a été libérée de l’occupation israélienne
le 26 décembre1995, suite aux accords d'Oslo. Elle fait partie intégrante du
territoire palestinien. C'est une ville chrétienne où vivent des chrétiens et
des musulmans en toute fraternité. Quand le territoire a été libéré, c'était
une région complètement détruite, avec un abandon total en matière d'éducation,
de santé, de formation et de gestion locale. Sa reconstruction a consisté à
remettre en place rapidement les institutions adéquates grâce à une
contribution importante des
Palestiniens de la Diaspora qui vivent aux USA et dans les pays du Golfe et de mécénats
étrangers européens et arabes. En un an, une base a été reconstruite pour
accueillir les personnes extérieures : hôtels, restaurants, des maisons pour
accueillir les nouveaux habitants. Pendant l'occupation israélienne il y avait
seulement 1 ou 2 hôtels à Ramallah et un couvre-feu à 18h30. Aujourd'hui il y
a 16 hôtels et 170 restaurants, une vie nocturne assez intense. Mais depuis le
début de la deuxième Intifada, il y a un nouveau recul., avec de nouveaux
couvre-feu, le bouclage et la
fermeture des routes entre Ramallah et les villages environnantes. (Apparemment les investisseurs commencent déjà à rebrousser chemin, et
les palestiniens rentrés à repartir à l'étranger). Malgré ces bouclage,
le moral n'est pas entamé et la
reconstruction de la ville continue (*Cette
reconstruction est visible et on peut voir de nombreuses villas plutôt "magnificentes"
en pierre blanche, des maisons en construction un peu partout sur les pentes des
anciennes terrasses, cela
entraîne un contraste assez
saisissant avec les camps de réfugiés). Quelle que soit la situation, nous
voulons continuer à construire l'état Palestinien. Ramallah est une ville
internationale, très animée, culturelle avec de nombreux spectacles et des
festivals, notamment l'été qui accueillent beaucoup d'étrangers, notamment
des français, des grecs, des espagnols. La Ville
est particulièrement touchée par les attentions vis-à-vis du peuple
palestinien de la France et de Jacques Chirac lors de sa dernière visite. La
France est pour une seconde mère patrie, pour
le peuple palestinien.
La
ville de Ramallah est une ville qui a connu un développement important vers
l'Occident pendant près d'un siècle. C'est une ville multiconfessionnelle, où
cohabitent plusieurs religions. Cette multiconfessionnalité est vécue avec la
plus grande fraternité entre les une et les autres..cette situation lui donne
un caractère politique très particulier à la fois comme appui à l'Autorité
Palestinienne dans le combat en Palestine et au niveau de la nation arabe dans
son ensemble. C'est une ville qui a formé des cadres politiques très connus
pour leur esprit d'ouverture en Palestine, mais aussi au niveau du monde arabe.
Ramallah est une plaque tournante pour les positions défendues par les
Palestiniens. Cette ville est devenue le Centre Économique par excellence de la
Palestine, car elle abrite les plus grandes sociétés du pays et la majorité
des sièges sociaux. C'est le noyau même de la résistance. Du fait de sa
richesse et de son esprit d'ouverture, elle est la référence du Peuple
Palestinien dans les territoires et à l'extérieur. Cette ville a eu la capacité
de développer une conscience politique chez les gens, les résistants. Par conséquent,
la résistance est d'abord politique, pacifiste, éloignée de la violence,
ouverte à des valeurs humanistes. Cette capacité démocratique à développer
une résistance en ces termes, constitue un danger pour Israël qui fait tout
pour casser cette image, en bouclant les territoires, en développant les
attaques et les provocations. La violence se situe beaucoup plus à la périphérie
de Ramallah, (*Ramallah est surplombée
par la colonie de Beit El qui abrite les locaux de l'administration israélienne
des territoires palestiniens), au niveau des check points et en limite des
colonies (au nord). De nombreux civils ont été tués dont des femmes et des
enfants.
(*) :
notes du rapporteur (Nathalie OLLAT)
Des
nouvelles de Al Qarara (11 au 16 mai 2001)
Dimanche 13 mai en matinée lors de notre déplacement entre Gaza ville et Raffah.
La situation de Al Qarara est particulièrement difficile car le village
est coupé en deux par une route qui relie la colonie de Gush Qatif à Israel
(passage de Kissoufim). La route principale venant de Gaza est coupée aux
alentours du village de Kfar Darom. On doit maintenant traverser le village de
Kfar Darom pour aller jusqu’à Khan Younis. Il y a chaque jour des
embouteillages monstres et il faut environ 1h30 pour faire les 2km qui séparent
le village du check point : par conséquent une longue file de voitures se
forme. Nous arrivons à Kfar darom vers 9h30. On croise des autobus bondés d’étudiants
qui se rendent à Gaza. Il est dit que les militaires israéliens font passer
les voitures au compte-goutte car une partie de la route palestinienne qui est
en fin de compte un chemin sableux et poussiéreux longe sur environ 100 m la
route bitumée des colons. Une séparation faite de gros blocs de bétons est
installée. A l’approche du check point, on observe des serres détruites, des
maisons détruites et des tentes dressées par l’UNWRA. Il y a un poste de
police palestinien qui essaye de garder l’endroit. Aux alentours du check
point tout est rasé : champs, arbres, maisons sur environ 200 m de chaque
coté (sauf les palmiers qui ombrent la route des colons. Avant le check point,
le journaliste de la télévision palestinienne présent avec nous dans le bus,
dissimule sa caméra sous les sièges en espérant que les militaires israéliens
ne monteront pas dans le bus et ne le fouilleront pas. Au passage du check point
il y a un mirador avec des fusils pointés sur les voitures. Tout geste déplacé
peut être interprété comme une menace. Nous passons sans arrêt.100m plus
loin, un autre poste militaire israélien pour garder le débouché de la route
des colons. Il est dit que lorsqu’un colon sort, la route palestinienne est
totalement coupée pendant plusieurs minutes. Ce check point est un point de
blocage complet vers le Sud de la bande de Gaza. A la suite des bombardements du
15 au soir, les ambulances palestiniennes ont été bloquées pendant plusieurs
heures à cet endroit et n’ont pu acheminer les blessés vers l’hôpital de
Khan Younis.
Lundi
14 mai : Rencontre avec Ibrahim Kashan de la municipalité de Al Qarara et
avec son frère Ammar Kashan, éducateur, responsable de la troupe Dabka.
Mardi 15 mai rencontre avec Ahmed Sourani du PARC, correspondant de
Palestine 33.
Le moral est bas. La rencontre devait avoir lieu la veille, mais ils ont
eu peur d'être bloqués et de ne pas pouvoir rentrer à Al Qarara (ils étaient
peut être au courant de la menace des bombardements). A AlQarara, Hamad Sumiri,
27 ans, marié, 2 enfants, le flûtiste de la troupe a été tué (vérifier le
nom dans InfoGaza).
Problème des récoltes : une partie des champs de blé a été détruite,
et une autre partie est coupée du village par le check point. Les paysans ne
peuvent plus s’y rendre alors que c’est le moment de la récolte. D’après
Ahmed Sourani 10000 dams (unité de surface palestinienne) ont été détruits
et 1000 arbres coupés. Il y a des risques de famine à l’avenir pour
l’hiver. 3 pompes à eau (sur les 5) du village ont été détruites et sont
inutilisables.
Problème car grosse présence militaire israélienne en raison de la
proximité de la colonie. Sur le territoire de la commune : 3 check-points,
14 chars. Cela entraîne des difficultés pour circuler. Parfois des militaires
israéliens font des incursions dans le village qui ne reçoit aucune protection
de la police palestinienne. Il y a
des tirs et des bombardements la nuit et les enfants sont très perturbés
psychologiquement. Certains jours les étudiants ne peuvent pas aller à l’école.
L’oncle de Ibrahim a été blessé, il est à l’hôpital.
Problème de la destruction des maisons : 15 familles sont sous des
tentes de l’UNWRA. Il y a deux jours certaines personnes (famille de Hamdam
Hajjaj, 12 personnes) ont été à nouveau expulsées des tentes (nouvelles
destructions, nivelage des terres). Il existe des maisons isolées du village
qu’habite une vingtaine de familles et que les habitants n’ont pas voulu
quitter. Ces maisons subissent des tirs à tous moments.
« A cause de la situation politique, il est difficile de conduire
des action sociales »
Centre de culture bédouine : un comité de 25 personnes a été
nommé et Ibrahim Kashan a été élu à la tête de ce comite. Le comité a reçu
la licence pour établir le centre et dispose maintenant du terrain (500 m2) à
coté de l’Université de Al Qarar. Il reste maintenant à construire le bâtiment
(à trouver les sous je suppose). Les objectifs de ce centre sont de collecter
des vielles histoires, chansons des Bédouins, faire un apprentissage des
vieilles techniques (dont la broderie), constituer un musée de vieux outils et
construire des maisons en sable comme dans le passé. Le projet doit être faxé
à Michel Hilaire sous peu.
La proposition d’un jumelage au niveau des écoles entre St
Pierre d’Aurillac et Al Qarara est accueilli avec joie. Échange de lettres,
de dessins, peut être un jour un voyage.
La troupe Dabka s’agrandit. il y a maintenant des femmes et un
groupe d’enfants a été constitué.
Les citernes à eau ont été construites sur le toit des écoles.
Il y a eu assez d’argent. L’eau recueillie est de très bonne qualité et
les enfants en ramènent parfois chez eux.