Arrivée hier à l'aéroport de Tel Aviv, une heure d'interrogatoire et de vérification
des bagages. Trois de mes coéquipiers étaient dans le même avion, on a
compris lors de l'interrogatoire qu'on venait pour la même chose... Ils ont eu
l'air de penser que nous étions vraiment des touristes (ou bien ils ne sont pas
dupes ?) car nous sommes finalement passés. Dans la soirée, ballade dans
Jérusalem ; dès huit heures du soir, il n’y a plus personne dans les
rues, les magasins sont fermés. Pas beaucoup de tourisme, c'est sûr ! Nous
sommes 6 internationaux. Nadia est assistante commerciale, Hind travaille dans
le journalisme, Laurent est documentaliste, Lili est une ancienne couturière à
la retraite et Laurent dirige un centre social.
Ce matin, visite au consulat français, histoire de laisser
une trace de notre visite ici. Des membres des missions civiles ont encore été
arrêtés et expulsés il y a quelques semaines. Comme m'a dit une femme de la
CCIPPP, ça peut être aussi une expérience de se retrouver quelques jours dans
une prison israélienne, je pense à tous les ex-détenus que j'ai côtoyés
pendant un an au Liban…
Nous sommes depuis vendredi après-midi à Naplouse, 60 kms au nord de Jérusalem.
La ville de Naplouse est entourée de trois camps palestiniens; le couvre-feu
est instauré depuis 108 jours maintenant, ce qui veut dire que les gens sont
supposés ne pas sortir du tout de chez eux, ne pas circuler, ne pas travailler,
ne pas aller à l'école... Néanmoins, Naplouse est connue pour sa résistance
à l'occupation arbitraire à l'armée israélienne. Alors les gens décident
quand même de sortir, de continuer à avoir un semblant de vie. Des chars israéliens
circulent dans la ville toute la journée.
Hier
matin et ce matin, nous sommes allés dans trois écoles situées au sud de la
ville, les unes à côté des autres. Les élèves n'osent pas rentrer dans l'établissement
car, de temps en temps, les soldats israéliens tirent sur le bâtiment, ou
envoient des bombes lacrymogènes dans les classes. Les professeurs ne sont pas
tous là, la plupart habitent de l'autre côté de la ville et les check-points
les empêchent de venir. Hier, néanmoins, ils étaient une dizaine dans l'école
des garçons. Juste au moment ou les élèves auraient pu se décider à entrer
dans l'école, les chars israéliens ont tiré sur le mur de devant. Avec Nadia,
nous nous sommes retrouvées coincées avec
les professeurs dans l'école ; un peu plus tard, nous avons pu entrer dans l'école
des filles. C'était la fin des cours mais elles n'osaient pas sortir car les
soldats bloquaient l'entrée principale. Nous nous sommes avancés, d'autres
internationaux nous ont rejoint ; nous nous sommes postés devant les chars, les
enfants ont pu passer et rentrer chez eux. Ce matin, même histoire... Les chars
étaient devant l'école dès 5 heures du matin. La plupart des enfants sont
rentrés chez eux ; dans l'école des filles, la directrice tenait à faire la
classe quand même. Les filles ne voulaient pas rentrer dans l'école, nous les
avons rassuré en leur disant que nous restions postés ; finalement, la
classe a eu lieu.
Hier,
plus tard dans la matinée, nous avons suivi deux chars israéliens dans une
partie de la ville ; ils font des rondes et empêchent les gens de
circuler, prétextant le couvre-feu. Soudain, ils ont arrêté 6 hommes ; nous
nous sommes approchés des soldats et leur avons demandé pourquoi ils les
avaient arrêté ; ils nous ont répondu qu'ils recherchaient des palestiniens
(le matin même, 2 soldats israéliens avaient été tués) ; ils ont pris aux
hommes leur carte d'identité et les clés de leur voiture, trois heures plus
tard ils ne leur avaient toujours pas rendu et ils continuaient à patrouiller
dans la ville pendant que les hommes attendaient assis. Un nous a dit qu'ils lui
avaient déjà déchiré une fois son laisser-passer...
La journée d'hier a été assez tendue ; les chars ont beaucoup patrouillé et
tiré, sur des gens, sur des bâtiments. On nous a dit qu'un enfant avait été
tué (deux jours avant, ce sont deux autres enfants qui sont morts). Hier après-midi,
nous avons dégagé une route ; les israéliens l'avaient bloquée avec des
bulldozers, formant un monticule de terre et de pierres infranchissable. Nous
avons déblayé sous leurs yeux, aidés par les enfants palestiniens. Cela
devrait permettre aux ambulances d'aller plus vite, la route étant une voie
d’accès importante. L'ambiance est très curieuse ; la ville même de
Naplouse est comme une ville fantôme; tout est fermé, les voies d'accès sont
bloquées, les bâtiments éventrés par les tirs. Dans les camps au contraire,
la vie est là…
Voila quatre jours que nous sommes à Naplouse ; hier, levée du couvre-feu sur
la partie sud de la ville, alors que la vieille ville et le centre administratif
restent bloqués. Situation étrange qui fait que certains habitants de Naplouse
ont le droit de se déplacer mais ils restent limités dans leurs activités
puisqu'ils ne peuvent pas traverser la ville. Néanmoins, cela fait plaisir de
voir les grandes artères animées et des gens circuler "presque"
normalement : les chars sont quand même présents aux carrefours. Hier matin,
nous sommes arrives à 6h30 devant trois écoles du quartier sud ; un tank était
posté un peu plus bas, nous étions au carrefour principal et devant les écoles,
les enfants sont arrivés par petits groupes et sont rentrés tranquillement en
cours ; presque tous les professeurs étaient présents. Cela faisait vraiment
plaisir de les voir étudier normalement... En effet, si les enfants viennent
tous les jours à l'école, ils n'ont pu suivre véritablement les cours que
cinq fois ces trois derniers mois ! Les soldats israéliens font régner la
terreur, ils empêchent les élèves et les professeurs de rentrer dans l'école,
ou bien d'en ressortir après les cours. Notre présence a deux sens : rassurer
enfants et professeurs (les soldats ne prennent généralement pas le risque de
tirer sur les internationaux) et essayer de tempérer les soldats. Nous nous
postons en général à la fois à côté des tanks pour pouvoir éventuellement
engager une discussion, et entre les chars et les enfants pour assurer une
protection. Ce matin, par contre, ça n'a pas aussi bien fonctionné ; quand
nous sommes arrivés, un tank bloquait la voie d'accès principale aux écoles,
les enfants et les professeurs étaient refoulés dans une petite ruelle par
derrière, mais une jeep de l'armée tournait sans cesse dans le périmètre, ce
qui effrayait certains enfants et en excitaient d'autres qui jetaient des
pierres contre la voiture et contre le char. La tension est montée jusqu'à ce
que le char se mette à tirer sur la foule (enfants et professeurs) ; nous étions
parmi eux, mais cela ne les a pas empêché de tirer, en l'air et au sol. Un
enfant d'environ 10 ans a été blessé d'une balle dans l'estomac. Nous n'en
savons pas plus pour l'instant, mais il y a deux jours, un autre enfant avait reçu
au même endroit une balle dans la jambe. Sur le chemin du retour, nous avons
croisé la jeep de l'armée postée à un autre check-point ; nous avons eu une
petite discussion avec un des officiers déjà croisés hier. Il était furieux
contre nous, nous accusant de permettre aux enfants de jeter des pierres en les
couvrant par notre présence.
Nous avons vraiment l'impression qu'il y a une volonté délibérée du
gouvernement israélien d'empêcher les enfants palestiniens d'être scolarisés
et d'étudier normalement. Aujourd'hui, les enfants sont complètement désœuvrés,
cela ne fait qu'augmenter leur agressivité, ils n'hésitent pas à se poster
devant les chars et à lancer toute sorte de projectiles ; ils prennent des
risques énormes. Pour revenir à la journée d'hier, malgré la levée du
couvre-feu dans la partie sud, les chars et les jeeps de l'armée sillonnaient
la ville. Les bulldozers étaient là aussi ; ils ont saccagé plusieurs routes
importantes du centre ville, brisé des canalisations d'eau, déraciné des
arbres, retourné l'asphalte. Les destructions étaient plus importantes que
d'habitude. Ces actions sont destinées
à limiter la circulation et le déplacement
des populations, mais aussi à saper le moral des habitants. Une femme qui n'était
presque pas sorti depuis plusieurs semaines était sous le choc devant ce
paysage de désolation... Deux jours auparavant, nous avions commencé avec
d'autres internationaux à dégager une des routes importantes de la ville,
notamment pour permettre aux ambulances de circuler plus rapidement ; hier,
elle était de nouveau impraticable…
La ville de Naplouse est barrée par de nombreux check-points aux carrefours les
plus stratégiques. Les soldats contrôlent les déplacements et régulièrement,
de manière totalement arbitraire, ils arrêtent des gens sous prétexte de
contrôle d'identité. En marchant dans la ville, nous avons vu à plusieurs
reprises des soldats procéder à ces contrôles. Dans ce cas, nous nous avançons
et essayons d'engager le dialogue avec eux. Lorsque les personnes arrêtées
restent en plein soleil, les mains sur la tête, nous demandons aux soldats la
permission de les laisser s'asseoir à l'ombre et de boire ; jusqu'à présent,
ils acceptent. Cela nous permet ensuite de poser d'autres questions, parfois gênantes
pour eux ; nous essayons de leur faire mesurer le côté absurde de cette
situation, sans succès le plus souvent.
Nous essayons aussi de rester le temps qu'ils contrôlent les papiers, cela peut
durer une demi-heure, ou plusieurs heures... Cette situation est particulièrement
humiliante pour les palestiniens ; les soldats leur prennent leurs papiers
d'identité, les obligent a attendre (ils ne sont même pas surs de les récupérer
à la fin de la journée), prennent les clés de leur véhicule et partent le
plus souvent sans les leur rendre. Hier, un chauffeur de taxi arrêté leur a
donné une fausse clé et est reparti dès que les soldats ont eu le dos tourné,
c'est devenu un sujet de plaisanterie chez les palestiniens, quelqu'un disait même
qu'il ne fallait jamais se déplacer sans une fausse clé !
Hier encore, nous sommes allés dans deux maisons réquisitionnées et occupées
par l'armée. Dans l'une de ces maisons, les habitants ont été parqués dans
deux pièces au rez-de-chaussée, encore en travaux; ils vivent à 9 dans ces 2
pièces, les soldats occupant le reste de la maison. Ils sont en fait
prisonniers de leur propre demeure, ne pouvant même plus sortir ; un des
enfants s'était brûlé au visage avec de l'eau bouillante ; les parents n'ont
pas pu l'emmener chez un médecin et les soldats ont refusé jusqu'à maintenant
qu'un médecin vienne le soigner sur place. Un photographe nous accompagnait, il
a commencé à prendre des photos, le responsable militaire présent l'a menacé,
d'abord de lui prendre son appareil puis, le ton montant, de tirer sur lui. Il a
aussi menacé les internationaux présents ; nous avons cependant obtenu que le
médecin puisse venir dans les prochains jours.
Dans
l'autre maison, la famille a été chassée depuis vendredi dernier ; les
soldats sont arrivés vers midi, ils ont obligé les habitants à monter tous
les meubles sur le toit ; la famille n'a pu prendre que quelques habits. Nous
avons essayé de discuter avec les trois soldats présents dans la maison, ils
n'avaient pas grand-chose à dire si ce n'est que l'occupation, selon eux,
serait provisoire... En interrogeant les voisins, nous avons pu découvrir où
s'était réfugié la famille, chez des cousins dans le centre ville; nous
sommes allés la voir ; elle nous a dit que les soldats avaient promis de leur
restituer la maison samedi prochain (12 octobre) ; nous avons proposé de
l'accompagner le lendemain prendre quelques affaires et en profiter pour faire
une manifestation avec tous les internationaux devant la maison ; jusqu'à
maintenant, ils ne sont pas très chauds et préfèrent attendre samedi ; par
contre, ils souhaitent que nous les accompagnions.
Il y a une quinzaine d'internationaux à Naplouse, de différentes nationalités.
Nous nous réunissons presque chaque jour pour coordonner les actions dans la
ville. Ce matin, durant la réunion, nous avons tous constaté qu'il y avait
depuis quelques jours une agressivité croissante de la part des soldats envers
les internationaux. Notre présence les agace vraiment et les discussions avec
eux sont de plus en plus tendues. Toutes ces émotions sont parfois lourdes à gérer
pour nous. Nous sommes à la fois témoins et acteurs de conflits permanents et
nous mêmes sommes parfois partagés quant à la position à adopter. Ceci dit,
nous restons déterminés dans notre action... Nous quitterons probablement
Naplouse demain.
Départ de Naplouse mercredi midi, nous allons dans la région de Tulkarem et
Qualquilya. Toutes les routes de Naplouse ont été bloquées par les israéliens
et, quand ce n'est pas le cas, les barrages empêchent les palestiniens de
passer. Nous sommes obligés de rouler à travers des champs d'oliviers, c'est
plein de cailloux et de poussière ; le trajet, de 40 kms, qui prend d'habitude
1/2 heure, nous prend deux bonnes heures. Quelle situation humiliante pour la
population palestinienne ! Les israéliens sont en train de détruire toutes les
infrastructures palestiniennes ; les grandes routes sont retournées, les bâtiments
officiels détruits (nous passons à Naplouse devant la Moquata rasée elle
aussi, comme celle de Ramallah), les canalisations arrachées…
Les
israéliens sont en train de construire un mur en Cisjordanie, entre Jénine au
nord et Hébron au sud. Pour eux, c'est une question de sécurité ; en réalité,
ils sont en train de s'accaparer petit à petit les territoires palestiniens.
Ils ont commence par la région de Tulkarem et Qualquilya car c'est une des plus
fertiles du pays, plus d'un tiers de la production agricole palestinienne vient
de là. En arrivant près de Qualquilya, nous voyons les bulldozers israéliens
à l'œuvre, en train de délimiter le tracé du futur mur…
Nous
voyageons en compagnie d'un représentant du PARC (Palestinian Agricultural
Relief Committee) ; nous passons dans de nombreux villages palestiniens, tous
entourés de colonies. Elles encerclent les villages ; les israéliens ont
construit des routes qui vont vers des colonies vers Israël ; les palestiniens
n'ont pas le droit de les emprunter, ils en sont réduits à construire leurs
propres routes, enfin plutôt des chemins à travers champs... La région est
complètement morcelée, un vrai gruyère. Il s'agit en fait de pourrir la vie
des palestiniens, les villages sont encerclés, les gens mettent 10 fois plus de
temps en temps pour aller travailler.
Nous visitons des serres de légumes et de fruits, l'endroit est fertile, bien
irrigué. Des colonies entourent le périmètre; des soldats sont venus récemment
faire des marques sur les serres. Ils ont dit aux fermiers que le mur passerait
par là et qu'ils n'avaient plus qu'à partir ! Ils leur ont même proposé de
l'argent mais aucun n'a accepté. Ils n'ont aucune envie de quitter leurs
terres, ils ne veulent pas non plus rentrer dans le jeu des israéliens.
Certains sont pourtant obligés ; un fermier a été forcé de signer un papier
disant qu'il cédait ses terres à Israël ! Il y a bien d'autres moyens de
pourrir la vie des fermiers : les israéliens bloquent les importations
d'engrais, ainsi les fruits et légumes pourrissent plus vite et sont vendus
moins chers, donc moins de plus-value pour les
fermiers.
Dans plusieurs villages, les paysans ont commencé la récolte des olives.
Normalement, la récolte commence le 15 octobre, mais certains préfèrent
commencer plus tôt pour déjouer l'attention des colons, qui n'hésitent pas à
tirer sur les récoltants…
Chez
un autre fermier, les bulldozers sont déjà passés et ont rasé un champ de
concombres. Ils ont propose jusqu'a 40.000 US$ pour racheter toutes ses serres.
Le fermier a refusé, il dit qu'il ne bougera pas de l'endroit, mais je doute
que cela fasse reculer les bulldozers…
Sur
le chemin du retour, nous passons par Ramallah ; aujourd'hui, le couvre-feu est
levé jusqu'a 18h00... Nous arrivons en compagnie d'une autre membre du PARC ;
elle n'a pas ses papiers d'identité (l'autorisant à circuler sur le territoire
palestinien !), nous passons donc là encore par des chemins détournés pour
entrer dans Ramallah. Une heure de trajet pour quelques kilomètres, il faut
changer trois fois de taxi, les israéliens tirent régulièrement sur eux...
Imaginez ceux qui tous les jours doivent sortir de la ville pour aller
travailler.
Promenade
dans Ramallah et passage oblige devant la Moquata complètement rasée, un vrai
champ de ruines duquel ne s'élève plus qu'un seul bâtiment intact ! Les
palestiniens reconstruisent déjà le bâtiment principal où ont lieu les
rencontres officielles. Que reste-t-il de l'autorité palestinienne ? Pas
grand-chose pour beaucoup de civils…
Aujourd'hui
a lieu une grande manifestation à Jérusalem, qui a été organisée par différentes
ONG palestiniennes, des israéliens pacifistes, des internationaux…
C’est
une manifestation pour la paix entre le peuple palestinien et les israéliens,
contre l'occupation en Palestine et contre le barrage d'Abu Diss. Le barrage d'Abu
Diss est un mur qui sépare Jérusalem d'Abu Diss et son agglomération. Et bien
sûr, à la frontière, il y a un check-point.
Les soldats israéliens ont tout fait pour nous empêcher de manifester. Abu
Diss était comme par hasard sous couvre feu aujourd'hui. Avant que nous
commencions, ils n'ont pas arrêté de circuler autour de nous en criant que
nous étions sous couvre feu et qu'il fallait évacuer alors qu'ils savaient la
manifestation était prévue. Dès le début du rassemblement, l'un des
policiers se montra très agressif et se mit à bousculer les personnes qui
souhaitaient lui parler. Au point d'en arrêter un qui fut relâché au bout de
15 min. Après quelques pas et quelques slogans pacifistes en hébreu, en arabe,
en anglais et en français, la situation a subitement dégénéré suite à une
altercation entre 1 soldat et 1 jeune. Après quelques coups, les policiers ont
dispersé les manifestants en lançant des bombes lacrymogènes, malgré nos
oignons protecteurs, il a été très difficile de respirer, tous étaient en
larmes, toussaient, et certains ont eu des malaises et ont été évacués par
les ambulances.
Au
bout de 15 minutes, la manifestation a repris mais dans le sens inverse pour éviter
tout contact violent avec les policiers qui ont suivi les manifestants jusqu'à
leur dispersion totale. Des discours de paix ont été toutefois prononcés.
Notre marche n'a pas pu atteindre le barrage d'Abu Diss qui était à 200 m de
nous, mais le message a priori est passé en espérant que la presse présente
sur place assure le relais médiatique.
Après la manifestation, nous partons à Bethléem, à une dizaine de Kms de Jérusalem
; nous passons deux check-points, dont un où nous sommes obligés de descendre
du taxi, de marcher quelques dizaines de mètres, avec contrôle de militaires,
et de reprendre un autre taxi pour la ville.
Arrivée au camp de Dehaishah, le plus grand de Bethléem, 10 000 personnes.
Nous sommes reçus par Najib, le responsable d'une ONG palestinienne, le Popular
Services Committee, qui travaille en collaboration avec l'UNWRA (office des Nations-unies
pour les Palestiniens) ; l'association semble très active : club de jeunes,
activités éducatives, loisirs... Najib est impliqué dans beaucoup d'autres
activités et se démène pour trouver des fonds ; l'association essaie aussi de
trouver du travail pour la population du camp ; en effet, depuis la 2ème
Intifada, le taux de chômage est presque de 100 %, beaucoup de palestiniens
travaillaient sur Jérusalem et ne peuvent maintenant plus s'y rendre. Du coup,
des bâtiments détruits sont rénovés, ce qui permet d'employer de la main d'œuvre.
Les gens sont embauchés par roulement, ce qui permet de faire vivre un plus
grand nombre de personnes.
Dimanche matin, nous visitons un grand centre social qui, à peine terminé, a
été complètement rasé par l'armée israélienne, en avril dernier ! Qu'à
cela ne tienne, l'association a trouvé des soutiens financiers (UNDP,
Italie...) et est en train de le reconstruire. Cela permet de faire travailler
pendant quelques semaines près de 800 personnes. En face du centre, une
colonie, de temps en temps les colons tirent sur le centre... Nous faisons le
tour du camp, rencontrons plusieurs familles de martyrs, uniquement des gens qui
sont morts tués par des soldats israéliens : dans les médias, on ne parle que
des martyrs tués dans des attentats suicide mais pas de ceux qui meurent sous
les balles…
Le camp a l'air bien tenu (comparé a ceux que j'ai pu voir au Liban !). Néanmoins,
il y a une grande disparité dans les habitations, certaines familles ne vivent
que dans une ou deux pièces à plusieurs. L'eau reste un problème: il y a
plusieurs puits aux alentours du camp mais tous contrôlés par les israéliens
; l'eau est distribuée au compte-goutte, parfois elle est même coupée...
C'est pourquoi les palestiniens ont tous des citernes sur leur toit. A noter que
les israéliens leur font payer de lourdes taxes sur l’eau…
Bethléem
est une ville autonome, le climat est donc un peu plus serein que dans les
villes du nord. Néanmoins, elle est complètement cernée par des colonies.
Comme partout dans les territoires, les routes principales sont pour les israéliens.
Dans l'après-midi, nous partons sur Hébron, dernière étape du voyage pour
moi tout au moins car certains restent plus longtemps.
Nous sommes arrivés dimanche soir à Hébron, accueillis par une association
palestinienne qui détache des jeunes volontaires, palestiniens et étrangers,
sur des projets de solidarité un peu partout dans les Territoires occupés.
La ville d'Hébron est séparée en deux: une partie de la ville (H1) est habitée
par les palestiniens, environ 125 000 personnes soit 80% de la population
palestinienne d'Hébron. L'autre partie (H2), c'est-à-dire la vieille ville,
est habitée par les 20% restant soit 35 000 palestiniens ainsi que par 400
colons. La colonisation d'Hébron a commencé en 1980 ; depuis 1996, les deux
parties sont coupées par une grande route utilisée uniquement par les israéliens.
La vieille ville est complètement morcelée ; partout, de grands immeubles tout
neufs pour les colons; ils occupent aussi de vieilles maisons prises aux
palestiniens. Près de 1200 soldats sont la pour les protéger, mais les colons
sont eux aussi tous armés... Des soldats sont postés sur les toits pour
surveiller (ça leur permet aussi de pouvoir tirer sur les palestiniens plus
facilement !), des rues sont totalement interdites aux palestiniens, partout des
check-points, des patrouilles israéliennes circulent en permanence dans la
vieille ville. Le but des israéliens est évidemment de récupérer toute la
vieille ville, depuis 20 ans, ils font donc tout pour chasser les palestiniens
qui y habitent encore. Chaque jour, ils arrêtent des commerçants, les gardent
quelques jours en prison; ils font parfois irruption dans des magasins et
saccagent la marchandise ; en juin dernier, ils ont détruit plusieurs
maisons... Certains palestiniens, fatigués de ce harcèlement quotidien, préfèrent
déménager dans l'autre partie d'Hébron ; d'autres continuent à résister
mais pour combien de temps ?
Les colons de Hébron sont encore plus dangereux que les soldats ; ils sont réputés
pour leurs positions extrémistes et leur idéologie radicale. Ils se considèrent
comme des missionnaires, voire comme des élus : ils sont là pour protéger
"leur terre" et en chasser les palestiniens. Ils n'hésitent pas à
tuer... Pour ma part, j'étais moins rassurée que face aux chars à Naplouse.
Ils se fichent des internationaux : nous sommes là pour protéger les
palestiniens, donc nous sommes contre eux.
Lundi matin, nous retrouvons deux volontaires américaines du Christian
Peacemaker Team (PCT). Leurs activités sont sensiblement les mêmes que celles
de la CCIPPP. Avec elles, nous nous dirigeons vers une école de fille située
juste en face d’un grand immeuble neuf habitée par des colons. En arrivant
dans l'école, c'est le choc : les colons sont venus la veille au soir et ont
tout saccagé : vitres brisées, partout sur les murs des graffitis ; sur le
portail, des menaces en arabe du genre " partez si vous ne voulez pas qu'on
vous chasse par la force...". Des soldats sont en bas de la rue et nous
observent. Un colon est aussi en bas, il joue avec sa carabine, espérant peut-être
nous impressionner. Les filles arrivent par petit groupe, elles sont obligées
de passer par des sentiers détournés. La directrice préfère ne pas raconter
ce qui s'est passé, ceci dit, elles le verront bien !
Laurent et Hind restent avec une des volontaires du CPT, afin de s'assurer que
tout se passera bien.
Nous partons avec Nadia et l'autre volontaire vers des écoles situées de
l'autre côté de la vieille ville. Le souk est presque vide ; en fait, cette
partie est constamment sous couvre-feu ; les israéliens ont même décrété
que certains magasins ne devaient pas ouvrir du tout ! Des grillages sont tendus
dans les ruelles ; en-effet, les colons s'amusent à jeter des ordures sur la tête
des palestiniens. Nous passons plusieurs check-points ; on sent du mépris chez
les soldats, en particulier chez les femmes soldats. Arrivée aux écoles,
aujourd'hui ils ont pu commencer sans problème, ce n'est pas tous les jours le
cas…